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Agroécologie et Sécurité Alimentaire

LES OASIS UN ATOUT Pour le XXI siècle

AGRICULTURE OASIENNE

HERITAGE SÛR POUR UN FUTUR INCERTAIN

le 13 oct. 15

Etat des lieux.

La situation de crise inédite que vit l’humanité, nous amène à reconsidérer notre façon d’entretenir nos relations avec la « Terre Nourricière ». La production agricole mondiale devra faire face à une croissance des besoins alimentaires d’une population qui atteindra les 8 milliards en 2030 et 9.5 en 2050. Mais il est parfois utile de préciser qu’indépendamment de la croissance démographique, les modèles de consommation et de productions actuelles ne peuvent plus être soutenus. On ne peut plus croire à un système où, les 2/3 des pesticides et engrais épandus par l’agriculture (industrielle) servent en définitive à détruire la nature. Où le 1/3 de la production mondiale est tout simplement jetée. Où, en même temps, la disparité dans la répartition de l’alimentation est telle que près d’un milliard d’êtres humains souffrent de la faim. Alors que la planète produit 3800 cal/per/jour alors qu’il en faut 2500, donc suffisamment pour faire vivre prés de 10 milliards d’habitants. Il faut 7 à 10 calories fossiles (parfois plus) pour obtenir une calorie alimentaire. Nous subissons le début des conséquences de cette tragédie, pour dire que l’urgence est derrière nous. La nourriture, un produit sacré, a été pervertie. Selon le cas, en marchandise ou bien en arme alimentaire (cas de l’Ukraine, Irak,…tous les embargos alimentaires). D’après la FAO, la faim est devenue responsable de 90% des décès sur la planète, avec un enfant toutes les 5 secondes, et 57 000 personnes /jour meurent suite à des effets de la faim.

L’épuisement des ressources sur lesquels a été développé l’agriculture industrielle ainsi que la dégradation des écosystèmes, constituent des externalités négatives qui ne permettront pas de nourrir l’humanité les années à venir. Les crises de l’eau, de la biodiversité, de la fertilité des sols, et les perturbations du climat n’arrêtent pas d’être dénoncées par la communauté scientifique internationale, tant elles sont insoutenables pour les écosystèmes.

Nous sommes amenés à constater l’urgence d’une transition qui changera radicalement notre comportement contemporain de prédateur rentier. Si la révolution du néolithique a été aussi une révolution intellectuelle où l’homme a rompu son lien naturel avec la terre, il est contraint d’engager une « contre-révolution ». Car la Terre prête mais ne donne jamais, d’où la dette écologique contractée, qui ne cesse d’augmenter au risque de provoquer l’effondrement des écosystèmes.

Depuis 10 000 ans, l’homme s’est comporté comme s’il était le seul à avoir le droit de vivre sur cette planète. A partir de la première crise écologique anthropique du néolithique, attribuée à l’extension de la pratique de l’abatis brulis, qui causa la perte d’un milliard d’hectares jusqu’à cette sixième extinction massive des espèces, l’homme n’a fait qu’agresser la nature. L’avènement des hydrocarbures comme principale énergie fossile utilisée, a exacerbé ce comportement irresponsable.

C’est en ce moment d’épuisement de la planète, que la communauté scientifique porte son attention vers la souveraineté alimentaire. Ainsi il s’avère que les pratiques agrobiologiques semblent être l’unique voie d’accès à la sécurité alimentaire.

Les agrosystèmes Oasiens.

Etant le produit des changements climatiques et de l’appauvrissement du biotope qui s’en est suivi. Ils ne peuvent donc que renfermer les germes de la résilience qui ont permis de nourrir les populations depuis la dernière période de l’holocène, il y a 2 500 ans jusqu’à leur marginalisation par la mondialisation et le productivisme.

Sans avoir participé à la première crise écologique de la planète, son adaptation au réchauffement et à l’assèchement progressif du Sahara, a fait parcouru aux hommes du désert les séquences de la néolithisation en passant par, le chasseur cueilleur, puis le nomade cueilleur, pour finir agriculteur éleveur, en se sédentarisant autour des points d’eau. Contrairement aux autres foyers de naissance de l’agriculture, lui a transformé un écosystème naturel appauvri, en un agrosystème durable générateur de nourriture dans lequel il s’est inséré en se gardant bien de rompre le lien étroit entre lui et le biotope. Au fil du temps, toute une ingénierie technique et sociale s’est développée pour surmonter, la rigueur climatique, le stress hydrique sur des terres arables rares et pauvres.

L’eau est la ressource sans laquelle l’existence de l’agrosystème oasien n’aurait pas eu lieu. La bio capacité du milieu oasien étant fondamentalement corrélée à la disponibilité de cette ressource. L’homme a compris que c’est grâce à sa disponibilité qu’il délimite la surface cultivée et la biomasse produite et en définitive détermine la charge humaine. Le développement et l’extension de l’oasis sont devenus possibles grâce à l’ajustement judicieux des besoins alimentaires à l’effort permanent, mais indispensable à la mobilisation du potentiel hydrique. Autour de la maîtrise de l’eau s’articulent les mécanismes sociaux d’une agriculture familiale et paysanne, selon un système culturale semblable à l’agroforesterie qui associe l’élevage. Dans le souci permanent d’optimiser l’efficience de l’eau et d’intensifier la production de biomasse par unité de surface, l’homme a réussi à capitaliser un suffisamment de savoir empirique pour extraire des richesses qui dépassent largement les performances de l’agriculture industrielle.

Aujourd’hui, nous sommes amenés à insérer ce modèle agricole dans une dynamique en quête de souveraineté alimentaire. A condition que l’effet dévastateur de la mondialisation soit stoppé par l’amélioration adaptative des agrosystèmes oasiens, et donc par l’augmentation de leur résilience. Actuellement l’urbanisation anarchique qui s’exerce de façon démesurée sur ces agrosystèmes, devient une sérieuse menace pour leur existence. Le double objectif étant de développer et d’étendre les pratiques d’une agriculture écologiquement intensive et durable, c’est à dire l’intensification des systèmes agrécologiques, tout en soustrayant les oasis à la pression négative exercée par la mondialisation.

En quoi les oasis constituent elles une réponse à la sécurité alimentaire ?

Le modèle agricole issu de la révolution verte des années 50-60, nous conduit dans une impasse énergétique, sociale et environnementale. Le traité de Rome en est arrivé à sonner officiellement l’alerte dès 1972 ; la Terre avait atteint 85% des capacités à supporter nos activités. Notre empreinte écologique est de plus en plus importante puisque cette année nous, les terriens, vivons sur un crédit écologique depuis le 14 Août, soit 6 jours plus tôt qu’en 2014.

Cette agriculture chimique et industrielle, s’oppose à l’agriculture oasienne qui est familiale et paysanne, et peut être considérée aussi comme urbaine ou périurbaine. A partir de là, on peut en déduire un ensemble de caractères qui lui confèrent les atouts indéfectibles de la résilience. Ceci sous entend, qu’elle est participatives et créatrice d’emploi, d’où son impact sur la performance sociale.

Une oasis pouvant être considérée comme un gigantesque jardin, les transactions commerciales empruntent donc des circuits extrêmement courts, offrent une garantie d’équité. Elle est fortement ancrée dans les terroirs, ce qui la pousse à valoriser les terres ou même les biotopes les plus marginaux. Son effet multiplicateur fait qu’elle est tout à fait apte alors à jouer pleinement son rôle de ferment dans le développement économique et la promotion sociale.

Un regard vers l’avant.

Il faut bien s’entendre sur le fait qu’aucune prospective n’est envisageable en dehors du cadre de la transition vers une économie verte. Une agriculture bâtie sur les énergies carbonées, dont les stocks sont en voie d’épuisement, est par conséquent non durable. Rompre la dépendance par rapport aux énergies fossiles, nécessite la généralisation de l’utilisation quasi systématique d’énergies renouvelables.

Leur survie et développement sont étroitement liés à la course au sevrage aux énergies carbonées fossiles. Les rendements énergétiques, qui comparés à l’agriculture conventionnelle actuelle (dopée aux énergies fossiles carbonées), sont déjà appréciables puisqu’on produit plus de 5 calories alimentaires avec une seule calorie dépensée. Mais une partie des efforts à venir portera sur l’optimisation de l’efficacité énergétique. Il est bien entendu que, même si la productivité par personne est faible (rapport de 1 à 100), comparée aux techniques conventionnelles, la productivité par unité de surface par contre en est bien supérieure. La polyculture donne la possibilité de fournir une biomasse qui dépasse les 50 tonnes par hectare. L’unité de surface nourrit donc un nombre supérieur de personnes, ce serait l’un des acquis pour la sécurité alimentaire d’un pays comme l’Algérie.

Les populations des zones arides sont entrain de croître à un rythme qui dépasse 2.2%/an. Leurs besoins alimentaires seront en constante progression. Les agrosystèmes oasiens doivent les accompagner pour pouvoir répondre à la demande de la population de demain. Leur développement et extension deviennent un souci, mais également une priorité majeure pour les populations. Ils sont face à un défi qui consiste à suivre la cadence de la demande alimentaire imposée par la poussée démographique, sans nuire à l’environnement. La difficulté est de taille, puisqu’il faut augmenter les niveaux de production dans un contexte globale de raréfaction des ressources. La communauté scientifique est unanime, seule l’introduction de principes agrobiologiques intensifs performants permettra d’insuffler une nouvelle dynamique à ces agrosystèmes. Il reste à fournir un effort dans les choix politiques et économiques pour améliorer les processus organisationnels, optimiser les chaînes de valeurs étendues aux filières impliquées dans le développement locale ou régionale. Les secteurs agricoles qui présentent des avantages comparatifs doivent être considérés ici comme une plus value des agrosystèmes pouvant capter des profits à l’échelle nationale ou internationale.

Agir ?

Une série d’actions franches et ciblées doivent être engagées qui paraissent être les outils qui façonneront les bases de la naissance d’une économie locale, ou régionale, productive, rentable et durable

• Le renforcement des capacités des acteurs sociaux aux principes de l’agroécologie, et la création de communautés pratiques.

• la mise en place de plans sociaux permettant le rajeunissement de la population active allant de l’instruction de base à la formation professionnelle spécialisée, ceci découlera sur des plans de carrières…

• Une gestion intégrée efficace, à même d’optimiser et d’élargir le potentiel de ces terroirs.

Ceci sous entend l’édification et l’implication de structures régionales de recherches appliquées en mesure de soutenir promptement et d’accompagner ce double effort de transition, et de développement.

Enfin il serait utile de finaliser une caractérisation des différents types d’agrosystème oasiens, de cerner leur potentiel dans l’apport alimentaire, de faire des réflexions synthétiques et modélisables avant de réaliser des extensions qui s’avèrent inévitables pour les générations futures.

Sofiane Benadjila, Ing. Agronome ENSA (ex INA)

sofbenadjila03@gmail.com

version pdf :

https://drive.google.com/file/d/0BxnwRPoFyUO0MmVxSlJzanIxMDA/view?usp=sharing

LES OASIS UN ATOUT Pour le XXI siècle
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